Cela fait longtemps que je n'ai pas posté dans cette rubrique. Je vais un peu moins au cinéma, et les films qui m'ont marqués se sont fait rares dernièrement. Du coup, je me refais des classiques. Coup de chance, grand anniversaire et période d'Halloween obligent, il ressort en ce moment sur certains écrans des grandes villes Massacre à la Tronçonneuse, de Tobe Hooper.
Un conseil : s'il passe près de chez vous, foncez ! Il ne devrait pas rester très longtemps, et vous n'aurez pas l'occasion de le revoir de si tôt sur grand écran.
Sally et son frère Franklin traversent le Texas avec 3 amis. Ils se rendent sur la tombe de leur grand-père après avoir appris que le cimetière local avait fait l'objet de profanations de sépultures particulièrement macabres. En traversant le comté fictif de Muerto, ils feront des rencontres étranges et inquiétantes, comme par exemple un auto-stoppeur dérangé et violent. Ce n'est qu'un avant-goût de leur plongée dans l'horreur absolue, dont tous ne ressortiront pas vivants.
Sorti en 1974, Massacre à la Tronçonneuse (Massacre à la Scie pour nos amis Québécois !) a rapidement gagné ses galons de chef-d’œuvre du film d'horreur, qui ne s'est jamais démenti depuis. Précédé d'une réputation sulfureuse (probablement renforcée par un titre frappant l'imagination), son interdiction dans les cinés de nombreux pays (8 ans en France, 25 ans au Royaume-uni...) renforcera son aura de film culte. Beaucoup dénoncent cette débauche sanguinolente sans avoir vu une minute de ce film. Plus étrange, certains l'ont vu et sont persuadés d'avoir vu une œuvre très gore, alors que cela n'est absolument pas le cas ; j'y reviendrai.
Dérangeant, MALT l'est assurément. Il puise son inspiration sur l'une des affaires criminelles les plus révulsantes de l'histoire américaine moderne. Ed Gein, que je vous invite à googler si vous êtes curieux (et avez les tripes bien en place) aura inspiré rien de moins que MALT, mais aussi le Silence des Agneaux et Psychose. Rien que ça. Avant de traiter de violence, MALT traite de folie, de folie pure, de folie malsaine, macabre, glauque, d'une folie qui ne laisse personne intact. Tous les superlatifs peuvent être employés pour décrire Leatherface, le principal "méchant", et ses acolytes. Dans cette galerie de portraits, on a du mal à décider qui est le plus fou... et le plus dangereux. La plongée dans un monde intensément bizarre, coupé de tout lien avec la réalité depuis la fermeture des entreprises locales, sans la moindre notion du bien et du mal, vous remuera sûrement et vous poursuivra longtemps après la dernière image.
MALT est également connu pour son tournage dantesque. Dans la chaleur suffocante de l'été 1973, Tobe Hooper aura tout fait pour maintenir ses équipes dans un état de tension permanente afin de les pousser dans leurs derniers retranchements. Il se dit qu'il laissait volontairement des carcasses d'animaux à l'air libre, par 35°. Bonjour les odeurs. Mais malgré un jeu d'acteurs qui pourra paraître un peu daté maintenant, le résultat est là : l'état de démence des uns, de stupéfaction horrifique des autres sont parfaitement palpables et communicatifs. On se sent véritablement à côté des acteurs, et leurs réactions, dans une certaines mesure bien sûr, deviennent les nôtres.
MALT aura par ailleurs frappé par sa mise en scène extrêmement soignée. Sans être un technicien de l'image, je m'étais déjà fait la réflexion la première fois que je l'ai vu. En retournant le voir cette semaine avec une amie photographe, la première chose que celle-ci m'a dit est qu'elle avait trouvé le film étonnamment "beau" en termes de composition, de couleurs, de cadrages, etc. Le montage lui-même est un tour de force et est un élément fondamental de la puissance évocatrice de ce film. L'exemple le plus parlant est celui d'une des scènes les plus connues, avec la mise à mort brutale de deux personnages. Scène très marquante, emprunte de barbarie, et que beaucoup de personnes (dont moi lors de ma première vision) ont qualifié d'extrêmement gore. Alors qu'il n'en est rien ! Le génie de Tobe Hooper, avec un dos-nu, un plan en plongée et des coupes minutieusement calculées, est de réussir à
persuader le spectateur qu'il a vu quelque chose de très graphique, alors que tout fonctionne sur la suggestion. Peut-être l'un des plans les plus géniaux du cinéma d'horreur.
Je pourrais continuer longtemps sur cette œuvre majeure, souvent imitée (la maison des mille morts pour ne prendre qu'un exemple), voire "remakée", jamais égalée. Le côté politique du film, par exemple, qui le rapproche d'un Délivrance et dont on pourrait parler des heures. Mais je m'arrêterai là en vous enjoignant, même si vous l'avez déjà vu, à le voir au ciné, où il prend une nouvelle dimension et décuplera les sensations que vous pourriez avoir sur votre poste de télé ou devant youtube. Une expérience unique.