Attention ! CD initiatique !
Avez-vous entendu parler du Mage EirKa ? Oui, oui le même qui, sous un autre nom, tenait la basse au sein de diverses formations rémoises.
Depuis, EirKa s'illustrait dans son métier de professeur d'arts plastiques tout en menant à bien divers projets artistiques touchant entre autre à la peinture ou à la photographie.
On avait bien parlé d'une reconversion dans la sorcellerie musicale mais je n'avais encore jamais goûté à ses potions.
C'est donc l'esprit curieux que je me rendais à son atelier. À peine poussée la porte de l'antre du sorcier, celui-ci me tendit une fiole portant l'étiquette "Hell's Bells".
D'emblée le ton est donné. Pas question ici d'une de ces multiples reprises de la recette australienne, collant au sujet comme son ombre. Ce genre d'exercice a d'ailleurs souvent tendance à faire ressortir les faiblesses des prétendants AC/DC car n'est pas Brian Johnson ou Angus Young qui veut.
Non, on goûte ici à un travail de réorchestration extraordinaire, innovateur. Je ne suis pas musicien, je ne sais pas ce qu'est une gamme pentatonique ou autre marcato … un morceau de musique, j'aime ou j'aime pas, point barre.
Là, j'aime. Beaucoup.
Imaginez EirKa l'Enchanteur penché sur sa marmite musicale. L'homme n'a pas d'apprenti pour l'aider dans sa tâche, il manie seul tous ses outils. Or, il n'utilise pas les traditionnels instruments de magie acédécienne, à savoir batterie, guitare électrique. Non non, il innove avec sa guitare sèche, son piano et son xylophone … et travaille ses ingrédients : une pincée de Carry Me Home, un zest de Spellbound, une cuillère à soupe de samples de la voix de Bon Scott, le tout lié par un belle crème Hell's Bells, et vous obtenez la recette d'un titre franchement génial. Plus de cinq minutes poignantes, émouvantes, mélancoliques.
À peine sorti du songe de ce Hell's Bells revisité, EirKa me tend un Dog Eat Dog plus classique, moins déroutant à première vue. Mais quand même, ce son de batterie ou de gratte version ZZ Top période Afterburner, cette basse slapée et cette voix filtrée, donnent une toute nouvelle couleur au morceau.
Dans la même veine que le premier, je découvre le breuvage She's Got Balls où le Maître manipule la mélodie avec basse acoustique, piano et guitare électro-acoustique. Ambiance de polar américain en mise en bouche, des soupçons hispanisant, des éclats de Have A Drink On Me, un brin de Flick Of The Switch, une brassée de gémissements orgasmiques (oui oui) et le cocktail laisse éclater ses multiples saveurs.
Et que dire de cette intro de Touch Too Much au xylophone ? Iconoclaste le Mage EirKa ? Sûrement, mais pas de la race de ceux qui détruisent ce qu'ils ne peuvent comprendre. EirKa décompose, triture, modifie pour faire avancer, proposer du neuf, changer le point de vue. Et par là même, redore le blason des fans d'AC/DC en démontrant avec brio leur ouverture d'esprit.
Comme lorsqu'on déguste un bon vin, à la recherche de telle ou telle saveur, la formule EirKa fait travailler la mémoire. On cherche à reconnaître tel instrument, tel riff ou tel sample. Et loin d'être indigeste, le mélange est somptueux et devient vite enivrant.
Comme ce Riff Raff aux accents latinos… oh là mais où veut-il m'emmener ? La tête commence à tourner, les potions du Mage induisent un agréable vertige… n'est-ce pas un goût de Bad Boy Boogie là ? Et ce passage là, c'est quoi déjà ? Et la voix de Bon qui ressurgit… pas la voix chantée, la voix "parlée"… drôle de sensation là encore… léger malaise…
Rock'n'Roll Singer… là je sors du rêve. Il va trop loin pour moi le Magicien. Sa voix seule, ou plutôt les cinq voix mixées, sans instrument, troublent l'effet. Oh je reconnais que là encore "il fallait y penser" mais je n'accroche pas. Peut-être à cause de la seule petite faiblesse de ce travail. L'anglais du chanteur … souvent le problème des frenchies lorsqu'ils se frottent à la langue de Shakespeare et de Bruce Dickinson … La voix est juste, mais la prononciation montre quelques faiblesses.
Agacé par mon mouvement d'humeur, EirKa sort un Squealer de sa fournaise. C'est rouge, ça brûle. La voix rauque du Mage, soutenue par la guitare saturée, résonne dans ma tête, me plongeant directement dans une atmosphère malsaine. Comme je regrette de l'avoir insulté, les visions démentes se succèdent désormais avec force.
Indulgent, le Maître m'offre un répit avec un Girl's Got Rhythm léger léger, si loin de la fougue de la recette originale. Mais si agréable. La ligne de basse basée sur la contrebasse du So What de Miles Davis entraîne l'auditeur dans une détente profonde.
Décidément accro, je prends une gorgée d'un Whole Lotta Rosie avec ses différentes couches de basse et de guitare agrémentées d'un fugace You Shook Me… mais où va-t-il chercher ces alliances ?
Le toy piano Fling Thing met un terme à ce voyage initiatique. Le "toy piano" Fling Thing ? Là vous vous dîtes que j'ai vrrraiment abusé des potions d'EirKa… ?!
Oui… et j'ai adoré ça !
JD - 27 février 2006