Marseille, 13 mai 2016, review de Judge Dan | Highway To ACDC : le site francophone sur AC/DC

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Marseille, 13 mai 2016, review de Judge Dan

Back in 1984

Les réseaux sociaux et H2AC-DC n’existent pas et seule la presse papier donne le « la ». Et pour elle, AC/DC est mort, Angus est un « pantin désarticulé », Brian est « inexistant ». On se moque de la prestation du groupe, face à un Van Halen tellement scintillant dans ses synthés et son chanteur à bandana. Bercy est vide. Les temps nouveaux arrivent, les vieux hard-rockeurs ont brutalement disparu, asphyxiés par le grandiloquent et le maquillage : l’ère Mötley Crüe s’annonce, le glam, et bientôt le triomphe des Guns N Roses. Les années 85, 86, 87, 88 sont difficiles. Les derniers supporters d’AC/DC sont raillés, pauvres dinosaures. On les parque. J’y suis dans cette réserve où on a bien voulu nous laisser survivre, et j’y croise sûrement Sydney76. Mes autres collègues sont en train d’y naître musicalement, élevés au son de leurs aînés. Le son, on n’aura que ça : pas de date de notre groupe favori en France en 86, un Zénith en 88…

Passons sur l’écroulement du glam, l’effondrement des Guns, la lente remontée d’AC/DC, le boulot fourni par Brian et un groupe qui ne dévie pas de ses fondamentaux, persuadé qu’un jour, on lui rendra justice. Passons sur le départ des piliers du groupe, sur le kitsch et le commercial qui commence à grignoter la machine… On en a tellement débattu.

2016, l’intérimaire

Arrivée de l’intérimaire, l’incarnation de tout ce que j’ai détesté dans le hard des années 80-90. Des bons groupes aux compositions et interprétations sauvages, mais dépassés par la frime, les paillettes, la poudre dans le nez et sur le visage, plus tard on appellerait ça le people.

2016, deux jours avant « le Vélodrome »

« Tu veux que je te dise, il est très fort ton protégé. » Voilà ce que j’ai dit à un inconditionnel d’Axl Rose en entendant « Damnation » et « Highway to Hell » à Séville. « J’ai peur d’aimer ça à Marseille ». Voilà ce que j’ai dit à une fan de Bon Scott sûrement plus ouverte d’esprit que moi et prête à donner sa chance au nouveau.

12 mai

La joie mêlée d’une sourde angoisse du « pré-concert » (« Super ! Est-ce que j’ai les tickets ? Génial ! Et s’il fait pas beau ? Aaaaargh ! Et si on arrive en retard ? »), ce trac, je ne le ressens pas. Je suis en plein mode « plus rien à battre » comme mon frangin TI TAN. Heureusement, il y a les amis, les copains, les frères… et toi, mon évidence à moi, qui sautille de joie, toujours prête à la nouveauté, toujours prête à t’émerveiller, toujours prête à accueillir un nouvel ami autour de la table de la maison, toujours prête à ouvrir grand tes bras pour serrer un copain ou une copine contre toi, toujours prête à (re)donner une chance à un renégat, fût-il à bandana. Nous sommes huit ce soir à table, demain nous serons quatorze. Cinq « non hardos » qui aiment AC/DC mais ne les ont jamais vu en concert, et neuf hard-rockeurs.

13 mai

Il fait gris, et ce crachin ne m’incite pas à la bonhommie. L’ambiance avant concert, je ne la reconnais pas. Du béton, de la pluie… Mais bon sang, où est cette joyeuse folie de Paris 2015, de Marseille 2009, de Lyon 1996, de Vincennes 1991 ? Où étaient tes sauts de joie Blackice, où était ton humour Ballbreaker73, où était ton vieux cuir Badboy, ta bonne humeur Nuageuse13, ta veste à patch Jul’, ton sourire Sandrine ? Et tous les autres. Tous ceux qui devaient être là, tous ceux qui n’y sont pas. Vous manquez déjà les amis. VOUS ME MANQUEZ, MERDE !!! Outoftunes essaie de réchauffer l’ambiance dans la fumée de ses cigares et d’un « Axl c’est mieux que rien, mais je préfère Brian… », mais putain il rame le copain ! Tout son énorme cœur de rockeur n’arrive pas à me rappeler que je vais voir AC/DC. Y a Anthofender, y a Superlex, y a Tags, y a Landslide, y a Godown, y a TheKing, y a Wallace, y a TOF, y a le clan SoundRoots mais moi je ne suis pas là.

Bon, on entre… La sécu est débordée, pas de scan de ticket, goulot d’étranglement dans les escaliers, c’est n’importe quoi. La fosse or est vide, on aura de la place, Indy court après les photographes d’un soir. Il a son costume d’Angus et un bandana. Normal, il en a toujours un. Sauf que ce soir, c’est pour Axl. Ah bon, c’est bien. J’en ai vu d’autres, avec des bandanas rouges. J’ai soupiré, j’ai passé ma route. Pour un frère, ça a été plus dur, il est allé les renifler de près, il est revenu, la truffe vibrante et le poing serré. Il ne les a même pas cognés. Ça, c’était dans les 70’s et au début des 80’s, on se fightait entre fans de groupes différents. Maintenant, on reste gentil, on est aseptisé, comme le reste. Soi-disant.

La première partie… c’est une première partie. Tyler machin passe et ne reviendra pas.

Entracte. On installe le trône. J’ai mal au cœur. C’est incontrôlable, j’ai mal putain. Pour la première fois depuis 2015, je me dis qu’il n’y aura pas Malcolm et pas Phil. T’as bien lu ??? Je ne pense pas à Brian là ! Je pense à Malcolm et à Phil. Ils ne seront pas là, et le deuxième doit avoir super mal lui aussi. Parce que des mecs comme moi l’ont renié et ont accueilli avec joie l’intérimaire. Putain Dan, t’as complètement déconné ce jour-là ! Tu kiffais égoïstement parce que tu vivais ton premier concert d’AC/DC avec ta petite chérie et que ta maman avait décidé de repousser sa montée au ciel de quelques jours, histoire de te laisser encore un peu tranquille avec ton groupe de sauvages ! Mais aujourd’hui, d’un coup, je les comprends les copains ou anciens copains… Sans Malcolm et Phil, « c’est pas AC/DC que vous verrez à Paris », tout ça… Je comprends maintenant, j’ai le cœur dé-chi-ré.

20h45… ça commence, déjà. Petit frisson pendant l’intro, le premier depuis que je suis en mode pré-concert. Le voilà. Qui ? Angus ? Non, Axl. Il n’a pas de bandana. Cheveux au vent, T-shirt… Il gueule… Il fait « rockeur », pas diva sous son grand chapeau. Oh que je suis heureux d’un coup ! Et Angus ! Putain, il est flashy ce soir, à l’image des lights de la tournée. Bleu roi en vrai, bleu OM sur l’écran, « bientôt en jaune canari ? » me glissera mon frérot au téléphone le lendemain  Et il se défonce l’ancien ! Il veut prouver quelque chose ce soir, c’est une évidence. Il veut montrer qu’il peut le faire, encore une fois. Et les autres d’après.

Et ça va le faire, je vais pouvoir m’amuser. Quel soulagement ! Oubliés Stevie et Chris, ils se fondent dans le décor, les lumières, le son, place à l’éclate, au rock’n’roll. À côté de moi, sourire plein la face des non-hardos. Petit rythme de la part des hardos. Déchaînement total de ma compagne. En plus, y a des nouveaux titres, tous ceux qui ne pouvaient être joués avant "à cause du light-show". Bref, tout est en place.

Sauf que… Tiens, y a pas Malcolm… Merde… Si les newbies pouvaient voir ce que ça donne avec lui. Tiens, y a pas Phil non plus… Oh la laaa, si les nouveaux pouvaient voir comment il joue le Phil. Le métronome, la clope au bec, tout ça. Et puis y a pas… Ça recommence comme à l’entracte, mais en pire. Une cloche de deux tonnes me tombe sur la gueule, sur l’estomac, sur le cœur. Il est seul le lutin, il est seul sur le praticable, il est seul à courir à droite puis à gauche, il est seul à venir nous voir sur les côtés, il est seul à venir haranguer le public au milieu du stade, il seul seul seul !!! Putain, Brian !

Et l’autre qui crie là ? C’est qui ? Mais putain qu’il arrête de crier comme ça ! Il a un bandana rouge maintenant, puis un chapeau noir, puis des gros colliers qui brillent, puis un bandana rose, puis une veste noire, puis des grosses bagouses, puis un chapeau gris, puis une veste blanche… puis un kilt !!! Un kilt !!! Il s’est changé pendant le solo de Let There Be Rock !!! « Les conneries commencent » lâche TI TAN. Si seulement elles « commençaient », mais il fait le malin depuis le début l’autre clown à rimmel. Et il crie ! Il croit que ça fait bien, alors il crie. Comme son prédécesseur à ses débuts ? Oui, mais sans les bagues. Parce qu’au moins, les Bon et les Brian, ils restaient sobres, torse poil ou T-shirt, tignasse ou casquette… Mais là, c’est quoi ce poseur, cette rock-star bouffie de suffisance, ces « V » de la victoire ? Mais t’as rien gagné mon gars, t’es une parenthèse, t’es juste une face hagarde et des mâchoires tendues sur des breloques qui brillent. Tu n’es pas le chanteur d’AC/DC. T’es juste le mauvais interprête d’une pièce de théâtre que tout le monde aura oublié quand Angus décidera de ranger le nom d’AC/DC avec son costume.

Les non-hardos, ils ont adoré. Normal. Le show, Angus… « Le chanteur, il crie beaucoup… Mais bon, on n’est pas comme vous, les vrais fans, on ne voit pas la différence. » Tout comme ceux qui sont venus voir Axl et pas AC/DC. Qui n’en ont rien à fiche de Malcolm, de Phil, de Brian, et d’Angus ? De ce pauvre vieil Angus dans son short de grand-père, qui joue à mort avant de mourir lui-même, dévoré par sa créature. Que j’ai eu de la peine pour toi aussi, mec, ce soir. Samcdc a adoré. Normal. Obligé, même ! Sydney76 a adoré. Normal. Le show, Angus… peut-être même Axl ? Non, là, pas normal mon vieux. Tu étais avec Zégut et moi dans la réserve de 1984 Sydney76, tu étais dans les petites salles de 1988. Tu m’as dit toute ta déception au téléphone après Lisbonne. OK, il y avait bien eu un signe : comme moi, tu avais apprécié « Highway to Hell » à Séville. Mais ce soir, je t’ai vu fou de joie ! Arnukem m’a pris dans ses bras et m’a consolé, il compatissait (cum patere…). Moi j’avais mal et toi, tu étais heu-reux Sydney76. T'as le droit hein ! Mais je ne comprends pas. Tu n'as rien à vendre, pas de contrat à honorer. Et t'es heu-reux mon collègue. Je ne comprends pas. Les copains hardos, ils avaient la gueule de bois. Et ce n’était pas le Jack Daniel’s. Les copains du forum ? « J’ai aimé, mais il ne faut pas regarder Axl. » Ah bon, et tu fais comment ?

Moi j’ai vu un groupe qui a commencé avec un poseur à bandana et qui finit avec un poseur à bandana. J’ai vu des gens que je ne reconnaissais pas, des familles aux anges, des T-shirts bizarres… venus voir « Angus Young et son orchestre » ou « Axl ».

Ce matin, je ressens une peine immense. Mon groupe n’existe plus, la famille est déchirée entre pro et anti, le fond de l’air est mauvais. Alors Angus, s’il te plaît, fais ton groupe à toi, avec qui tu veux, même Gene Simmons en chauve-souris si tu veux encore choquer ma rétine. Renomme-le et je reviendrai te voir, promis. Et on te pardonnera très vite d’avoir voulu « honorer le contrat jusqu’au bout ».





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