Ce sont les deux producteurs qui orchestraient tout. Ils dirigeaient tout,
complètement. Et les membres du groupe se laissaient diriger. Il y avait
une confiance apparemment réciproque dans les décisions que prenaient
Vanda et Young. Il y avait peu de discussion, et de toute façon, la
décision finale leur revenait. Il faut dire aussi que les arrangements
avaient été faits avant d'entrer en studio. Alors ils discutaient
surtout sur la mise en place, la justesse. Il régnait vraiment une harmonie
entre le groupe et leurs producteurs, on sentait qu’ils faisaient carrément
partie du groupe. Il n'y avait pas de tension ou de bagarres – il y en
a parfois – ça discutait simplement. À cette époque
l'ingénieur n'avait aucun mot à dire, c'étaient vraiment
les producteurs qui géraient. Maintenant l'ingénieur a un rôle
de producteur qui est complètement différent.
Brian a tenu, à de nombreuses reprises, à souligner les qualités de l’assistant ingénieur, un Français.
Jean-Jacques Lemoine, un de mes collègues. Quand il a appris qu’AC/DC venait ici, et que je lui proposais de venir travailler sur l’album, il sautait presque de joie. C'est un fan complet du groupe. Et c’est vrai que ça c’est très bien passé, il y avait un vrai « contact » entre eux. Pour l’anecdote, il a fait le rough-mix du disque, pour que chacun garde une copie de travail, en vue de la réalisation du mixage... et, franchement, il a fait un travail largement meilleur, à mon avis, que le mix final.
Voilà, Angus travaillait le riff de « Heatseeker » là où nous
sommes assis... Brian s’époumonait sur « Ruff Stuff » ici, à cet
endroit précis, lui aussi... émouvant non ?
Comme la plupart des groupes qui viennent enregistrer à Miraval, AC /DC a vécu pendant près de deux mois sur le domaine. Patrice Quef se souvient.
Le groupe et son équipe technique ont logé sur place, dans les
bâtiments alentour que nous avons aménagés en chambres.
Ils semblaient vraiment très heureux d'être chez nous puisque,
malgré la proposition de leur manager de les installer dans des hôtels
climatisés à Aix-en-Provence, ils ont exigé de rester
sur place.
Techniquement parlant il n'y a rien de révolutionnaire à Miraval, bien que les musiciens y disposent d’espaces très grands et confortables pour travailler, ce qui est de plus en plus rare dans les studios plus récents. Mais ce qui nous différencie, c'est évidemment le domaine. Les artistes adorent venir travailler ici pour notre côté résidentiel. Ça n’a l’air de rien, mais ils n'ont pas à sortir pour aller manger, sachant en plus qu’il est parfois difficile de trouver quelque chose d’ouvert aux heures où ils veulent dîner. Et quand ils veulent se reposer, les chambres sont à côté. Sans compter toutes les distractions que l’on trouve dans tous les studios comme le billard et la console de jeux – dont Brian était friand – le baby-foot et le jeu de fléchettes, nous proposons nos « plus » : la piscine, le vignoble, les étangs. Notre rôle est de faire profiter au maximum les groupes du domaine. Certains regretteront qu’il n'y ait pas de boîtes branchées aux alentours, mais des gars comme AC/DC adorent notre côté isolé et naturel.
Il n’y a pas de saison dans notre métier, et même l’hiver, si le temps est doux, nous servons les petits déjeuners et les repas dehors pour que les musiciens profitent de l'ambiance. Pour l’anecdote, il faisait tellement chaud quand on a commencé les séances d’enregistrement de Blow Up Your Video – je n’ai jamais vécu un été aussi chaud, 40°, même pendant la canicule de 2003, on n’a pas eu aussi chaud – qu’à l’époque, on mangeait tous à l’intérieur.
Et puis, il faut bien le dire, même un peu trivialement, j'ai toujours foutu la paix aux artistes qui venaient. Pas de photo, pas d’autographe... ici, on les laisse faire ce pour quoi ils sont venus : travailler. A nous de faire en sorte que ce soit dans les meilleures conditions possibles.
Humainement, les « boys » comme ils se nomment eux-mêmes ont toujours donné l’impression de personnes très sympathiques.
Oui, c’est vrai. Nous n’avons eu aucun problème de rapports
humains, ils sont adorables. Toute l'équipe était vraiment très
gentille, ils ne se forçaient pas. On avait des rapports vraiment très
sympas, pas de choc, pas de confrontation, absolument rien à voir avec
des stars.
Des professionnels avant tout, je me répète. Pas de caprice ou de comportements particuliers. Après les séances d’enregistrement, ils s'installaient devant la cheminée pour regarder des vidéos et boire une bière, pour un moment de détente, parce que c'est un métier quand même difficile. Mais aucun excès. La perte de leur premier chanteur les a vraiment marqués, ils étaient, encore à l’époque, traumatisés par la mort de Bon, et ils ne veulent plus entendre parler d’addictions. Mais alors plus du tout. Pour cela, on peut dire qu’ils étaient un peu les précurseurs de la génération actuelle de musiciens que nous voyons passer. Les nouveaux groupes sont absolument clean, pas d’alcool, pas de cigarettes.
Angus en dehors de la musique était un garçon très calme, gentil, limite réservé. Ce n’est pas le même lorsqu’il fait de la musique et en dehors de son art. Ce sont deux personnes complètement différentes et le tout le groupe est un peu comme ça. Ils ont tous une énergie incroyable dès qu'il s'agit de musique. Mais dès que la musique s'arrête, ce sont des gens tout à fait normaux, vous les croiseriez dans la rue, vous ne les verriez pas.
Pas sûr monsieur Quef, que les membres de la communauté Highwaytoacdc ne les reconnaissent pas ! En attendant, nous terminons notre visite des lieux par les « extérieurs ». Oliviers plantés en terrasses impeccables, vignes, bâtiments parfaitement entretenus, et toujours ces cigales dans la chaleur écrasante. Il y a vingt ans, dans ce coin de Provence, un son gigantesque s’élevait de ces bâtiments. Brian, Angus, Malcolm, Cliff et Simon faisaient rugir les amplis à 130 Db, cinq australos-écossais préparaient l’explosion de vos « vidéos ». Heatseekeeeeer !!!!!!!!!
