AC/DC, Paris le Zenith, 06 Avril 1988 par Eirka
Pour autant que je me souvienne, « Blow Up Your Video » n’était pas encore paru que nous savions déjà que les Boys seraient à Paris au mois d’Avril 1988 ! Puis il y a eu ce soir de Février où Francis Zégut a balancé de larges extraits de « Blow Up » en précisant qu’AC/DC investirait le Zénith le 06 Avril pour son unique date française du « Blow Up Your Video Tour » ! Le lendemain matin, je recevais un coup de téléphone de Thierry Nourry . Celui-ci me demandait de l’accompagner pour ce concert !
06 Avril 1988, Paris, Gare de l’Est ! Me voilà avec Thierry et un autre gars prénommé Jean-François ! Thierry nous précise qu’il doit téléphoner à Antenne 2 (1) pour fixer un rendez-vous à Philippe Manœuvre afin que nous puissions rencontrer (éventuellement) le groupe ! Il faut dire que depuis sa montée sur scène à New-York avec les Boys, Thierry avait quelques ouvertures dans le monde fermé des « cotoyeurs » d’AC/DC !(2). Coup de téléphone ! Pas de Philippe Manœuvre, mais un renseignement CA-PI-TAL ! L’adresse de l’hôtel où le groupe est descendu ! Une demi heure plus tard, nous voici donc devant l’hôtel Intercontinental, la tête un peu « timide » et une question sans cesse répétée par chacun de nous « On rentre ou pas ? » On est rentré ! Et là, croyez-moi, nous ne sommes pas passés inaperçus ! Imaginez, 3 mecs, en jeans, cheveux longs, et sweat-shirt au logo d’AC/DC…ça le fait ! Bref, on s’est assis à une table et consulté la carte des consommations ! Ben oui, quoi.. on pouvait pas rester là à attendre que ça se passe ! Déjà que les serveurs nous regardaient d’un sale œil ! Au vu des prix de ces consommations, nous nous sommes rabattus sur un café genre « tasse pour dînette » au prix modique de 38 francs ! Moi qui ait horreur du café.. je vous prie de croire que je l’ai dégusté !
Thierry nous avait dit « On reste là, et on attend ! Avec un peu de chance, un des membres du groupe va passer ! ». Toujours est-il que moi, j’avais une envie pressante et je n’osais pas aller aux toilettes ! Non pas par timidité d’investir un lieu sacré dans un hôtel très « smart », mais par peur de louper quelque chose.. bref ! Et puis, il est arrivé ce moment où je n’en pouvais plus et il a fallu que je me résigne à satisfaire ce besoin qui se faisait de plus en plus pressant ! Sur le chemin du retour, dans le couloir de cet hôtel, je marchais la tête basse ! Une voix non pas familière, mais qui ne m’était pas inconnue a attiré mon intention ! J’ai donc relevé les yeux et suis tombé nez à nez avec Brian Johnson en grande conversation avec un autre type ! Sur le coup, j’ai marqué un temps d’arrêt ! Brian, ayant remarqué mon attitude et ayant compris mon désarroi a lâché une phrase pour détendre la situation ! Il devait bien se douter qu’avec mon tee-shirt AC/DC, je n’étais pas là pour repeindre les murs ou réparer la plomberie ! Puis, il m’a serré la main en me demandant si le soir même j’allais au concert ! Moi, reprenant mes esprits, je lui ai rétorqué (en essayant d’avoir un minimum d’humour) « Oui, j’y vais, et toi, tu y vas ? » Il a rigolé (sans doute par politesse !) et répondu « Oui, oui, je vais allez y faire un tour ! ». Alors, j’ai conclu « Bon, eh bien rendez-vous là-bas alors ! » Il m’a serré la main, me précisant qu’il était pressé, et s’est engouffré dans le couloir, reprenant sa conversation avec le type qui l’accompagnait ! Moi, j’ai regagné ma place à la table…. Mes deux camarades m’ont dit « T’as tout loupé ! On vient de voir passer Brian ! » J’ai souri et leur ai raconté mon aventure ! Ils étaient dégoûtés ! Comme quoi, les chiottes peuvent avoir du bon et permettre de faire des rencontres intéressantes !
Ensuite, nous avons repris le métro et nous nous sommes dirigés vers le Zénith ! Il y avait déjà un monde fou ! J’ai le souvenir de types habillés en tenue d’écolier qui trépignaient déjà d’impatience ! De vendeurs de merguez vendant leurs produits à des prix incroyables ! De types tentant de vendre au marché noir, des tickets pour le concert du soir ! Mais surtout, je garde en mémoire ce type particulier.. un vrai sosie de Bon Scott ! Mais vraiment un sosie parfait qui avait poussé la ressemblance jusqu’à non seulement porter une veste en jean aux manches déchirées, mais également jusqu’à porter les mêmes tatouages que Bon ! Sur le coup, je vous promets, ça fait un choc ! D’ailleurs, je n’étais pas le seul à être abasourdi d’une telle ressemblance ! D’autres gens observaient ce type avec des yeux exorbités !
Nous sommes entrés dans le Zénith après le fameux rituel de la fouille ! Là, nous nous sommes séparés ! J’ai réussi à accéder aux premiers rangs, à quelques mètres de la scène ! La sono crachait de vieux standards de rock.. « La grange » de ZZ TOP par exemple ! Puis, extinction des lumières et en avant pour la 1ère partie ! Les membres du groupe Dokken sont arrivés sur scène ! La presse avait relaté les tensions qui régnaient au sein de ce groupe ! Sur scène, ça en devenait presque palpable ! Ouah.. courant électrique à gogo entre les membres et notamment entre Don Dokken (le chanteur) et le guitariste de ce groupe américain ! D’ailleurs, cette haine respective se ressentait considérablement dans la musique du groupe !
J’avais remarqué que les types de la sécurité faisaient du zèle ce soir là ! En effet, des gens du public prenaient des photos et les types de la sécurité se pointaient, prenaient les appareils, les ouvraient pour en extraire la pellicule et rendaient l’objet à leur propriétaire. Voyant ça, je me suis décidé à m’éloigner un peu ! Certes, j’aurais des photos d’AC/DC de moins bonne qualité, mais des photos quand même ! Seulement voilà, ma place était excessivement convoitée ! Lorsque j’ai retiré ma main de la barre de sécurité pour m’éloigner, ce sont des centaines de mains qui ont voulu saisir cette barre ! Résultat, j’ai vu une main passer devant moi ! Une main ornée d’une chevalière qui m’a littéralement labouré la joue ! Bref !
Je me souviens aussi d’un mouvement de foule avec des ovations ! En fait, ce soir là, Bernie et Nono de Trust étaient dans la salle ! Voilà pour l’anecdote !
Puis, le grand moment est arrivé ! Extinction des feux ! Hurlement du public ! Quelques bruits de guitares visant à tester le son ! Arrivée de Malcolm, Cliff et Simon ! Hurlements du public ! Une intro basse-batterie que chacun connaît et « Who made Who » ouvrait les hostilités AC/DCiennes en terres parisiennes ! Arrivée des clones sur scène ! Arrivée de Brian (les hurlements du public ont doublé d’intensité !) puis, arrivée d’Angus ! (là, les clameurs de la foule ont presque couvert la musique !) Rien que par les premières mesures de « Who made Who », AC/DC nous précisait que ce qui allait suivre ne serait pas un remake de la ballade au pays des Schtroumphs ! 4 années qu’AC/DC n’avait pas posé ses valises en France….et les Boys semblaient habités d’une hargne à faire danser les bonnes sœurs des couvents de l’hexagone !
« Who made Who » expédié, Brian salue le public par un “Hello Paris!” lui donnant une fois de plus les ferveurs du public ! Puis, il nous annonce le morceau à suivre « It’s a song from the Back in Black album ». « Shoot to Thrill » démarre comme une bombe et voit un Angus se déchaîner encore plus ! Martelant de son corps la rythmique assurée par Malcolm, Cliff et Simon ! « Dirty deeds done dirt cheap », « Back in Black » et « Heat seeker » ne laissent aucun répit ! A ce titre, beaucoup de gens rencontrés après le concert auront un avis unanime! Le nouveau single des Boys prend une dimension supplémentaire, non seulement dans sa version live, mais également dans sa version visuelle !
« Jailbreak » ! Ah ! .. « Jailbreak »! C’est ici 15 minutes de bonheur ! Là encore, l’aspect visuel du groupe donne une dimension supplémentaire à ce morceau ! Voir un public reprendre en chœurs et en corps le refrain, ça vous mets le feu là où je pense ! Qui plus est, et sans doute encore plus qu’avec « The Jack », la communion public/ groupe est omniprésente ! Communion qui atteindra son paroxysme lorsque à la fin du premier chorus d’Angus, Brian invite le public à scander « Jailbreak » ! Angus commençant son strip, le public viendra à nouveau souligner le jeu de scène de Mister Young en scandant des « Hey ! » en parfaite osmose avec la grosse caisse de Simon ! C’est là aussi que l’on se rend compte qu’Angus possède une emprise particulière sur SON public ! Le moment où il est prêt à tomber le short pour dévoiler ses fesses maigrichonnes est salué comme la révélation de l’année ! Angus le sait et il en joue ! Il joue du public comme d’une danseuse de cabaret aguichant les mâles en manque de sensations fortes !
Hell’s Bells » apparaîtra toujours comme un titre phare dans la discographie des Boys ! C’est dingue ce que l’arrivée d’une cloche sur scène peut déclencher comme énergie chez une foule déjà en délire ! « Nick of time », extrait du dernier album en date verra un public relativement assagi ! Sans doute ce morceau était-il inattendu dans la set-list du groupe ! Encore que lorsque je dis «assagi », il faut mesurer ce qualificatif ! Bref, « Nick of Time » montrera que le groupe peut proposer autre chose que ses grands classiques sur scène et dégager une hargne tout aussi virulente ! « The Jack » verra un public frapper dans ses mains pour accompagner les Boys et bien sûr, scander les refrains avec Brian ! Evidemment, le chorus d’Angus achevé, le public ne loupera pas à la tradition et chantera à qui veut l’entendre le fameux « She’s got the Jack ! » D’ailleurs, Brian invitera l’audience du soir à récidiver ! Qui a dit que le public français ne savait pas chanter ? Et là encore, Angus nous montrera qu’il est un fantastique guitariste de Blues ! Certes, de nos jours, on peut dire que « The Jack » a progressivement perdu de sa superbe et de sa spontanéité, mais il n’en demeure pas moins que le second chorus d’Angus est toujours emprunt de feeling à consommer sans modération !
S’en suivent « That’s the way (I wanna rock&roll) », « You shook me (all night long) » qui bien sûr seront salués comme il se doit! Le public scandant encore et toujours le refrain de « You shook me » comme un hymne appris telle une table de multiplication ! C’est réellement à ce moment là que j’ai eu conscience que le public faisait partie intégrante des concerts d’AC/DC ! A ce point, où durant quelques secondes, mon regard a quitté la scène pour observer tous ces gens scander en chœurs le refrain de ce grand classique des Boys ! Certes, il est évident que la qualité d’un show n’est en rien uniquement la prestation d’un artiste sur scène….mais là est sans doute l’un des ingrédients du « concert de rock » ! Relation « artiste/public » ! Cercle vicieux où l’un excite l’autre !
« High Voltage »…. Haute tension dans les cœurs et les chœurs ! Le show atteint un paroxysme guidant inéluctablement le public vers une zone de non-retour ! Ce soir, les enfants, nous ne sortiront pas indemnes de l’expérience AC/DC ! Mais qui souhaite vraiment sortir intact d’un tel enfer ? Honnêtement sur toute la quantité de boots que j’ai pu découvrir, j’ai rarement entendu un public chanter avec autant d’intensité le refrain de ce morceau des Boys ! Rien que d’y repenser, ça me mets des frissons dans le dos ! Et bien sûr, Brian ne se privera pas de nous inviter à hurler des « High » au point de nous décrocher la gorge et de la réduire en bouillie prête à être consommer par les édentés de service ! Brian sait lui aussi jouer du public ! On commence par des « High » ! On enchaîne avec des « High High » ! On continue avec « High High Ho » ! Bref, on chauffe le public pour le refrain final! On le chauffe au point de le voir hurler pour rendre hommage aux héros du soir et l’achever ! La petite mort avant l’heure ! Petite mort orgasmique qui repartira de plus belle avec « Whole lotta Rosie ! » Là, s’en est fini ! Tout devient sourd, trouble ! La tête en bouillie, on ne peut dire que « amen » ! Là, j’ai le souvenir d’une femme qui a ôté son sweat-shirt et l’a balancé dans la foule ! Le tee-shirt a volé de main en main ! Tout était sur-dimensionné ! Le public français avait du patienter 4 ans pour revoir les Boys ! Mais putain, l’attente faisant, je vous jure que ce public a su redorer son blason auprès des Boys et ainsi faire oublier le relatif échec du Bercy de Septembre 1984 !
« Let There Be Rock », c’est l’approche de la guillotine ! Plus besoin de chercher si on a pieds dans l’océan de décibels qui nous couvrent ! On est noyé ! On coule à pic ! Je me demande si l’attitude du public n’a pas survolté dans le même instant les Boys ! Quelle version de « Let there be rock » mes enfants ! Mais quelle version ! Un missile en pleine tête n’aurait pas fait mieux ! La version studio paraissait gentillette comparée à celle offerte par les Boys !
On a beaucoup dit sur l’incident s’étant produit sur ce morceau ! Pour resituer le contexte, au début du premier couplet, Brian s’est arrêté de chanter pour apostropher un gars du public ! Ce que je peux vous dire c’est que de où je me positionnais, j’ai clairement vu une bouteille atterrir sur scène ! Une autre version veut qu’un type se faisait violence sur un pauvre gars avec des sortes de pics pour lui faire autre chose que des mamours ! L’un n’empêche pas l’autre ! Et surtout, ça n’empêchera pas Angus d’effectuer son traditionnel bain de foule ! A l’époque, le principe de la plate-forme n’avait pas encore été innové et c’est tant mieux ! Angus dans la foule, porté par un roadie, c’est vraiment un grand moment dans l’histoire du Rock&Roll ! Bien sûr, « Let there be rock », c’est aussi le moment du « long » solo d’Angus ! Là encore, le pistolero de la guitare joue du public ! Jouant sur les ruptures nettes et brusques pour attiser les clameurs de la foule ! Une petite phrase et tout le monde crie « Hey ! » Angus est sans aucun doute l’un des seuls guitaristes au monde sachant manier à merveille le « bend » pour en faire un écho aux cris de la foule ! Faire hurler un public, en soit, ça n’a rien de compliqué ! Mais arriver à intégrer ses cris comme élément à part entière d’un solo, c’est déjà une autre paire de manches ! Angus est diabolique dans le sens où il sait inexorablement ce qu’il va se passer à chaque note lancée, et, nous, nous le savons aussi ! Cercle vicieux où tout le monde joue la carte de la surprise pour théâtraliser le spectacle !
« Let there be rock » terminé, Brian nous salue! Là, commence le rituel des “Oh oh oh oh”! On veut un rappel ! Quelques minutes s’écoulent ! Ils ne vont pas nous laisser comme ça quand même ! Certes, on a plus de voix ! On est désintégré, mais on en veut encore !
Angus réapparaît ! Petite improvisation et « Highway to Hell » nous achève de plus belle ! Moi qui n’ai jamais réellement accroché sur ce morceau ! Je suis scotché sur place ! Non seulement par la prestation des Boys, mais aussi par l’attitude du public ! On se déchire la gorge ! On va chercher au plus profond de soi ! On puise dans ses dernières réserves pour scander le refrain ! Mais putain !!!! Que pouvait avoir le public ce soir là ? J’ai rarement entendu une telle ambiance lors d’un concert d’AC/DC ! « TNT » sera une apothéose ! On est mort ! On est muet ou dans le meilleur des cas, on s’en sort avec une voix fluette ! Quoiqu’il en soit, chacun veut amener sa part à l édifice du concert ! Chacun veut surpasser son voisin pour se faire entendre !
« For those about to Rock » (we salute you) » viendra (inéluctablement ?) conclure le voyage au bout de l’enfer! Franchement, pour ressortir indemne de ce show, il fallait être insensible au Rock&Roll ! On tente, tant bien que mal, de se remettre la tête en ordre ! Si vous voyez une oreille qui traîne, ce doit être à moi ! Car voyez-vous, AC/DC joue à un fort volume ! Vraiment très fort ! J’avais mis des boules de coton dans mes oreilles, mais cela ne m’a pas empêché d’avoir une sorte de sifflement par la suite et ce, durant quelques jours ! D’aucun pourront me traiter de petite nature, mais le Rock&Roll peut aussi s’apprécier à volume modéré ! Qui plus est….. j’ai le souvenir de certains moments du show où la qualité du son était moindre ! Une légère saturation de l’ensemble sonore se faisant entendre !
L’expérience AC/DC est toujours unique en soi ! Certes, les gigs des Boys se suivent et se ressemblent comme des copies carbones ! Des clones imparables…. Mais pour peu que vous tombiez sur un public prêt à tout pour exciter le groupe, alors, le show prend une toute autre dimension !
Dehors, il fait nuit ! Avec Thierry et Jean-François… nous marchons aux alentours du Zénith ! Soudain, Thierry nous dit « Regardez là bas, les 2 voitures qui viennent vers nous ! ». Quelques secondes plus tard, 2 voitures croisent notre route ! Dans ces voitures, les Boys, qui nous adressent des saluts en levant la main ! Voilà, c’était la dernière image AC/Dcienne du jour …ou plutôt du soir !
(1) : France 2 maintenant.
(2) : Voir la rubrique « Témoignage » du site.
Photos : cfab