AC/DC, le Bourget, 4 Decembre 1982 : temoignage et review de Philippe
Dans toute bonne review, on restitue tout d’abord le contexte.
Je suis donc à l’armée depuis le mois d’octobre, faisant mes classes de gendarme auxiliaire à Fontainebleau, et pas en Normandie, mille excuses ça c’est plus tard.
J’ai vu une seule fois le groupe auparavant le 10 janvier 1981 à l’Alpexpo à Grenoble, époque bénie où les groupes faisaient un nombre de dates impressionnant dans notre beau pays. Bref le lendemain du 10 janvier 1981 j’ai acheté tous les albums officiels d’AC/DC à la FNAC, j’étais devenu addict complet.
Arrive le service militaire à Fontainebleau, et fort heureusement des cousins habitent Longjumeau dans l’Essonne. Je sais que mon groupe préféré va passer à Paris, ville que je connais très peu, en dehors de la gare de Lyon que j’utilise pour rentrer en permission à Grenoble. L’achat de mon billet à la FNAC des Halles (avec ma solde ridicule) n’ayant posé aucun problème (ça aussi ça a bien changé), je m’organise donc pour passer la nuit du vendredi 3 décembre chez les cousins et me rends à Longjumeau le cœur léger, impatient d’assister au concert le lendemain samedi 4 décembre au Bourget.
Arrive le jour fatidique où je vais voir pour la seconde fois mon groupe fétiche se produire, et pas n’importe où, dans la capitale s’il vous plait ! Il fait très froid en ce début décembre 1982, et je ne sais pas trop comment me fringuer pour avoir quand même un look acceptable en concert, et pas me geler en même temps. Mais j’ai pas non plus des tonnes de fringues, et j’opte pour garder mes camarguaises qui me permettront de bien tenir sur mes appuis (c’est ce que je crois), pour un jean, deux tee-shirts pour pas me geler, et une veste en jean également. Je glisse bien sûr mon petit appareil pocket dans une poche, prévoyant de le planquer dans mon slip avant d’entrer au concert. Le trajet s’annonce compliqué, il faut prendre le train de banlieue, puis le RER, puis le métro. Je me dis que ça devrait être bonnard comme ça, de toute façon peu importe le trajet, c’est AC/DC que je vais revoir, et ça efface toutes les difficultés.
J’arrive vers 17h00 à une station de métro dont j’ai oublié le nom, et là surprise la Rotonde est encore loin ! Comment faire ? Je ne connais absolument pas les lieux et pour le provincial que je suis c’est un peu flippant. Et les grappes de fans ne courent pas les rues comme j’aurais pu m’y attendre. Mais quelques-uns sont là comme moi, perdus ne sachant pas comment se rendre à cette Rotonde. Surgissent alors comme par miracle dans le jour finissant (on est en décembre) des bus avec comme destination « Navette » indiqué, et renseignements pris ils nous emmènent bien gratuitement jusqu’à la Rotonde où doit avoir lieu le concert. Verrait-on cela aujourd’hui ? Après tant d’années je remercie encore une fois la RATP qui nous a bien rendu service ce soir-là.
Arrivé dans la place, c’est l’impression de gigantisme qui me frappe : la rotonde est immense, la foule l’est tout autant, je n’ai jamais vu tant de fans de MON groupe réunis. Après réflexion j’estime maintenant à vingt mille le nombre de spectateurs. Ce qui est énorme. Y&T démarrent en première partie, je me suis faufilé au maximum près des barrières devant la scène, et je ne les trouve pas terribles du tout, moi mon style favori à tout jamais c’est le hard bien gras, Y&T sont des poseurs et je ne garde que très peu de souvenirs de leur prestation. J’attends ce qui va suivre.
Puis ce fut l’apocalypse ! Dès l’arrivée des Boys sur scène c’est le délire, le son est titanesque, il traverse littéralement notre corps, la foule ne maitrise plus ses mouvements, on est ballotés comme jamais, on passe au sens propre du terme dans une lessiveuse, mes fameuses camarguaises sont piétinées par des milliers de pieds, on passe en cinq secondes de la gauche de la salle à l’opposé tout à fait à droite, puis on est propulsés en plein centre. Je dégaine mon pocket comme je peux, je tire quatre clichés secoué de tous côtés, je le rengaine, et la folie continue.
Je me souviens avoir hurlé les refrains, mains en l’air en faisant le signe du diable, ne pouvant même plus baisser les bras. Je revois les évacuations des plus jeunes, des plus petits et des nanas qui se sont succédées à un rythme incessant. Je sens encore la chaleur de cette foule en furie, mon jean trempé, mes fringues à tordre et pleines de sueur, et à la fin du concert mes camarguaises lisses comme du cuir : pas un seul poil en daim n’a résisté. Tout comme les barrières totalement tordues à cause de la pression de la foule. Mais quel bonheur, complètement crevé mais comblé. Le groupe a été fidèle à sa légende, AC/DC a tout cassé, ils ont offert une prestation épique, Angus au plus haut de sa forme, Brian s’égosillant comme un damné, Malcolm, Phil et Cliff assurant à merveille. Tout était dit, j’avais assisté à un concert « historique », je rentrais rompu et brisé mais fier d’être le fan d’un tel groupe prodigieux.
Aujourd’hui la légende continue, mes sentiments sont maintenant partagés par mon neveu de 15 ans qui les vus pour la première fois à Bercy le 25 février 2009, et ce n’est pas près de s’arrêter, c’est tout simplement impossible !