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Le bout de l'autoroute (Best - Avril 1980)

La nouvelle est tombée là, brève, sèche, inexorable. Pas de pièce à y mettre. Bon Scott avait été trouvé mort d'une overdose d'alcool dans une voiture le mercredi 20 février à Londres. La police ne parlait pas de drogue, mais uniquement de coma éthylique qu'une nuit passée dans le froid avait transformé en congestion mortelle. Le même jour, on jugeait à Chartres une bistroquette tenue pour responsable de la mort d'un môme dans des conditions presque identiques : alcool plus froid plus manque de soins. Voilà pour les faits tels que nous les connaissons aujourd'hui. Certains ajoutent qu'au cours de cette nuit fatale, Bon avait dû ingurgiter quelques dopes, mais cela n'est absolument pas certains. Pour avoir un peu pratiqué AC/DC, j'affirme qu'il n'utilisait pas (régulièrement) de came pour soutenir le train d'enfer, mais qu'assurément, il buvait comme un trou. Au retour de mon voyage en Ecosse avec eux, j'avais d'ailleurs fait part à certains de mon étonnement devant les facultés d'ingurgitation de Bon et Malcolm côté bibine (et je m'y connais). J'avais aussi été surpris lors de la tournée française du groupe par le mauvais état de santé de plusieurs de ses membres. Bon m'avait assuré avoir bouffé des saloperies qui lui avaient détraqué les boyaux. De toutes façons, il est certain que la vie menée par AC/DC depuis quatre ou cinq ans était bien une autoroute pour l'enfer et qu'ils avaient bien entamé la chandelle par les deux bouts. Ce qui frappait d'ailleurs, c'était leur calme déglingue hors de scène. En dehors de Malcolm (une vraie tempête soufflant jour et nuit) les autres étaient très calmes hors de scène, passant des heures à boire en discutant. L'alcoolisme bien digéré quoi.

Bon a certainement payé ce train de vie puisque à 34 ans (né le 09 juillet 1946 à Kirriemuir, Ecosse) il était beaucoup plus usé que ses copains. Les circonstances malheureuses se sont chargées du reste. Mais il ne faut pas croire que ce mec n'était qu'un ignoble soiffard ou saoulard, raide bourré du soir au matin. S'il lui arrivait de prendre un double scotch en guise de petit déjeuner, il gardait, comme bien des alcoolos, une réelle lucidité dans les circonstances les plus avinées. Au lendemain d'un concert sanglant, en plein week-end anglais, je l'avais retrouvé à la sortie de l'hôtel se préparant pour une ballade dans la nature. Très élégant dans un costume de laine, il m'avait raconté son besoin de renouer le plus souvent possible avec cette campagne où il était né et où il aimait aller à la pêche.
Conduite typiquement britannique : je l'avais quitté au petit matin raide saoul dans un pub entrain de brailler de vieilles chansons avec des potes de rencontre, et là, strict gentleman, il pratiquait le week-end anglais tel n'importe quel supporter d'une équipe de foot. S'il n'avait pas eu cette sale gueule amochée par l'alcool et le reste, jamais on aurait reconnu en lui la bête de scène qui quelques heures plus tôt, et quelques heures plus tard se défonçait avec le plus saignant gang de hard du moment.
Même double personnalité dans la conversation. Autant Bon pouvait ressembler à n'importe quel bringueur après les concerts, autant il faisait preuve de sérieux et de pondération dans les interviews. Son expérience ne faisait une sorte de père pour tous les autres membres du groupe ; je suis certain qu'il leur avait évité bien des erreurs. Bon n'avait aucune illusion sur le métal lourd d'AC/DC mais il savait trouver les trucs qui éviteraient au groupe de sombrer dans la grisaille de ses concurrents. Il refusait par exemple tous les artifices de scène, préférant de loin trouver le petit grain de folie différenciant AC/DC. Il savait avoir élaboré un plan qui plaisait à un certain moment mais qu'il ne pourrait pas utiliser encore longtemps. La devise d'AC/DC était de tourner un maximum durant ces années d'illusion pour empocher la monnaie et se retirer à la façon du Grand Funk.
Après, Bon pensait pouvoir aller tranquillement à la pêche, laissant ses potes trouver une nouvelle formule. Cette vision m'avait semblé relativement saine tant les vieilles stars du hard sont aujourd'hui pathétiques dans leur entêtement à servir de vieux repas froids.
Malheureusement ces projets ne verront pas le jour. Le rideau est tombé. Nous ne verrons plus le grand gars tatoué qui se cambrait fièrement sur le devant de la scène, secouant en arrière sa crinière ondulée ou portant sur ses épaules Angus ruisselant de sueur. Nous n'entendrons plus cette voix rauque à l'accent rocailleux et aux expressions imagées. Triste. Très triste. Car Bon était, sous des aspects de tête cramée, un mec attachant possédant un bon jeu de scène et une voix qui, sans atteindre des sommets de finesse, n'en était pas moins remarquablement bien adaptée au rock d'AC/DC. Il me laisse le souvenir d'un good boy, pas fier pour deux ronds, pas prétentieux, mais sérieux pour ce qu'il considérait comme son boulot. Dans les pires états, il voulait donner au public le fun qu'il était en droit d'attendre. Pour AC/DC, le coup est dur car Bon y jouait, hors de scène, le rôle d'un chaperon. Plus que la perte d'un chanteur, c'est un grand frère que viennent de perdre Young & Co. Ce sera difficile de continuer comme si de rien n'était. Attendons……… (M.E.)


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